Peste Noire - Ballade cuntre lo Anemi Francor (2009)
Dernier album en date de Peste Noire et produit en 2009 sous le label "De Profundis" ; KPN semble prendre une tournure bien différente, rompant avec le passé de "Folkfuck Folie" sans toutefois renouer complétement avec l'ambiance propre aux premières demos du groupe. Le line-up a d'ailleurs complétement changé. Famine conserve évidemment son poste aux vocaux, accueillant un certain "Ragondin" à la basse, "A. Julia" dérrière les fûts et "Sainte Audrey-Yolande de la Molteverge" s'occupe des voix soprano ainsi que du piano et de l'orgue.
Avant tout, le teint verdâtre de la pochette interpelle. La couleur rouge sang de la pochette de "Folckfuck Folie" annonçait un concept putrescent, sanguinolent et suppurant. Ici le vert terne nous invite sur un fond médiéval, à vagabonder joyeusement à travers les plaines et forêts de France sur des thèmes moyenâgeux et épiques.
Le premier titre "Neire Peste" fait office d'interlude. Il consiste en des exhortations nationalistes en voix claires marquées pas le sceau des conjurations pestiférées de Famine. Dès les premiers instants, on constate que sa verve s'exprime plus librement que jamais, affranchie des entraves que posaient l'ancien line-up.
"Rance Black Metal de France", "Ballade cuntre les anemis de la France - de Francois Villon" ainsi que "La mesniee mordrissoire" sont les titres les plus épiques de l'album; chacun démarrant sur des chants guerriers entraînants et manipulateurs. "Rance Black Metal de France" marquera les esprits par son débordement de hargne et d'agressivité ultime qui sera vomi après un rythme lent et crépusculaire.
"Ballade cuntre les anemis de la France" est mon titre préféré de l'album. Les riffs de ce track sont d'une grande ingéniosité et Famine n'a jamais été aussi déchainé; les intonations de sa voix se faisant tantôt narquoises et moqueuses, tantôt exaltées et impétueuses. L'auditeur est pénétré d'une inextinguible ardeur au combat comme le ressentirait une horde de berserkers.
"La mesniee mordrissoire" est un titre amené à être culte par les chansonnettes psalmodiques de boy-scout proférées par Famine. Les apparitions d'un harmonica plein d'entrain accentuent la spiritualisation du chaos de ce track.
Famine conserve avec intégrité ses inspirations littéraires comme le prouvent "Ballade cuntre les anemis de la France" du poète François Villion et "Soleils couchants", chanson adapté du poème de Verlaine. "La France bouge" et "A la mortaille !" ont un rythme martial et effronté. Ce dernier track étant à mes yeux, un véritable hymne au carnage et à la désolation. La voix de Famine est parfois désincarnée avant de déchirer par son impudence les rares moments de calme enivrant.
"Requiem pour Nioka (à un berger-allemand)" et "Concerto pour cloportes" sont deux tracks courts qui permettent d'entrevoir une vision romantique de la France profonde. L'atmosphère est calme et résignée, en particulier sur "Requiem pour Nioka (à un berger-allemand)". On se laisse emporter dans le courant libéré par les suaves accord au piano gorgés de mal être et de nostalgie.
Volontairement, le chant soprano de Sainte Audrey-Yolande de la Molteverge sonne faux sur "Concerto pour cloportes" afin de conférer une image de mauvais goût et d'offrir ainsi un track boiteux typique au groupe. Ce défaut d'harmonie est à mon sens, ce qui procure la force au groupe.
KPN mène l'auditeur à cette imbrication mystique et extatique de la défectuosité à la perfection, grâce à l'incommensurable travail fourni sur les compositions ainsi qu'au sens culturel profond des textes; le tout mêlé au grain d'une production abîmée s'épanouissant sur des mélodies surannées, soutenues d'une voix saturée à l'extrême. C'est cette copulation dionysiaque entre la saleté et la beauté qui ouvre une porte sur la transcendance et où le terrestre chevauche l'éthéré.
Le titre "Vespre" et la dernière chanson "Soleils couchants - de Verlaine" sont magistrales. Cette vision romantique de la France culmine à la fin de l'album grâce aux atmosphères vespérales de ces deux tracks qui transportent l'auditeur en des régions vides d'hommes dans un lointain passé. Le meilleur est donc à augurer pour la prochaine réalisation du groupe.
"Ballade cuntre lo Anemi Francor" est au final, un album riche et varié, plus accompli que jamais et qui démontre avec une force écrasante que Famine sait toujours ce qu'il fait. Je suis donc sincérement impatient d'écouter le prochain KPN.
Crusard